[English version below]
Après m'être intéressé en Macédoine à la classification locale des répertoires de fanfares rom et à leurs manipulation à des fins identitaires et idéologiques, je me suis attaché à comprendre, en Inde centrale, la structure d'un répertoire sacré joué par des ensembles hautbois/timbales. Afin de cerner les différentes implications de la musique dans les rituels de possession, j'ai mis en rapport la structure du répertoire (constitué de motifs identificatoires correspondant aux divinités) avec l'organisation du panthéon villageois. A travers les interactions observables entre les différents acteurs au moment de la performance, mes recherches, dans les Balkans comme en Inde, portent également sur le statut et le pouvoir des artisans de la musique. Ma pratique d’instruments à vent et la rencontre sur le terrain avec des ensembles particulièrement bruyants m'amènent à s'interroger sur la définition indienne du son comme puissance efficace et sur son rapport avec une conception plus large du cosmos et de ses éléments en termes de substance. Par ailleurs, en tant que Maître de conférences au département d'Anthropologie de l'université Paris Nanterre, je m'intéresse aux applications non-académiques de l'ethnomusicologie et dirige le projet de recherche-action et de formation (Labex) "Patrimoine musical des habitants / Passe à ton voisin".
After becoming interested in Macedonia in the local classification of rom fanfare repertoires and their manipulation into identity and ideological ends, I endeavoured to understand, in Central India, the structure of a sacred repertoire played by groups of oboes and timbales. In order to discern the different implications of music in possession rituals, I connected the structure of the repertoire (made of identifying motifs corresponding to deities) with the organisation of the village pantheon. Across observable interactions between different actors in the performance, my research, in the Balkans as in India, equally involve the status and power of music artisans. My practice of wind instruments and meetings in the field with particularly noisy groups brought me to investigate the Indian definition of sound as effective power and its relationship with a larger conception of the cosmos and its elements in terms of subsistence. Furthermore, as an associate professor in the Department of Anthropology at University of Paris Nanterre, I study non-academic applications of ethnomusicology and lead the action research project and teaching of (Labex) “Patrimoine musical des habitants / Passe à ton voisin”.
Membre du comité scientifique du Musée de la musique - Philharmonie de Paris
Membre du comité scientifique de la Société d'ethnologie
Idées reçues sur la musique et sur la danse (CM L1)
Le temple en Asie (CM L3)
Ethnomusicologie régionale : musiques du monde indien (L3)
Ethnomusicologie et multimédia (L3)
Transcrire la musique (L3)
Atelier d'Ethnomusicologie et d'Anthropologie de la danse (Master)
Séminaire Asie du Sud et Himalaya (Master)
Atelier webdocumentaire (M1)
Interventions de professionnels (M1)
Un sacré bazar est la chronique ethnographique de deux jours de rituel au Bastar, en Inde centrale. Imposant la règle des trois unités (temps, lieu, action) à son exposé scientifique, l’auteur brosse les portraits des protagonistes du rituel — hommes, dieux et ancêtres —, présentés dans le vif de leurs interactions, au fur et à mesure de leur apparition dans le rituel. En amenant tout au long du récit les données nécessaires à la compréhension du système social et religieux, ce livre reconstitue, condensés en deux journées, les détours d’une longue enquête ethnomusicologique, faite de fourvoiements et d’allers-retours, à la recherche du sens de la musique qui est au cœur de ce rituel de possession. Ainsi, pendant les deux journées qu’il nous fait vivre intensément, apparaissent peu à peu la logique et les dynamiques d’un système tout à la fois musical, rituel, social et cosmologique. Partant de ce qui apparaît d’abord aux yeux et aux oreilles de l’ethnologue comme un « sacré bazar », on parvient ainsi progressivement à interpréter ce rituel deo bajar qu’il convient plutôt d’appeler « bazar sacré » ou « marché des dieux ». Cet ouvrage propose un nouvel éclairage — par le prisme de la musique — sur une forme répandue d’hindouisme local trop souvent présentée en Inde comme un « animisme tribal ». Il contribue plus largement à la compréhension des rapports qui unissent si étroitement, partout dans le monde, les phénomènes de transe de possession à la musique. Enfin, comparant musique et alcool en tant que substances, il montre comment elles agissent de manière complémentaire sur les hommes, si bien que l’ivresse devient une forme de possession.
À travers la figure de Bursuram, cet article interroge le statut, le rôle et la catégorie de spécialiste rituel, et en particulier celle des musiciens de caste Ganda, dans la région du Bastar en Inde centrale. Ces musiciens jouent pour les mariages et pour les rituels de possession, et sont bien souvent devins-guérisseurs et médiums également. Ils vivent, non pas de leurs savoir-faire rituels, mais souvent d’agriculture et de travaux journaliers aussi durs que variés. Ces activités religieuses qu’ils exercent un peu à mi-temps, à la fois par plaisir, par dévotion, par sens du devoir ou par obligation sociale et crainte des dieux, en font des spécialistes du monde invisible. L’article décrit la multiplicité de leurs rôles et identités, en montrant de quelles manières ils passent constamment et presque quotidiennement d’une activité à l’autre. Tout en décrivant les rapports entre musique et possession dans ce qui n’est autre qu’une forme locale d’hindouisme, il met en relief les passages, les glissements, les transformations et la fluidité qui caractérisent tout autant le mode de vie de ces spécialistes/officiants, que leur cosmologie et les entités qui constituent celle-ci, à commencer par le hautbois, instrument-dieu à identité variable. Il souligne également le paradoxe entre, d’une part, le bas statut et l’impureté conférée aux musiciens et, d’autre part, le rôle central et le pouvoir rituel qui leur est confié à travers la musique. Car interpréter la musique des dieux, c’est interpréter la possession en devinant qui est Qui, et c’est aussi juger de son authenticité. Situé au point de rencontre (sonore) entre visible et invisible, le musicien passe ou fait passer d’un monde à l’autre. Que ce soit en tant que musicien ou en tant que médium, il maintient ce lien étroit entre les hommes et le monde invisible, pour rendre soudain audibles et visibles les dieux et les ancêtres.
2 CD encarté
Le Projet INOUI fait partie d'un programme de recherche-action intitulé "Le Patrimoine Musical des Nanterriens". Inspiré par la démarche de Martial Pardo et Mahjouba Mounaïm dans les années 1990 à Caen*, ce dernier est né du désir d'appliquer au plus proche une discipline forgée au lointain et de s'impliquer dans l'environnement immédiat de l'université, partant de la conviction que la culture est derrière chaque porte, dans chaque maison. Il part aussi de l'hypothèse que la musique et la danse peuvent, non pas toujours adoucir les mœurs ou forcément créer du lien social, mais faciliter les rencontres et le dialogue.