Cette analyse invite à scruter la nuit tseltal sous l’angle de son rôle d’agent de comportements, de pensées, d’attitudes et d’habitudes corporelles chez ces Indiens des Hautes Terres du Mexique.Abritant le sommeil, la nuit permet au rêveur de frayer avec des êtres surnaturels, rendant accessible et visible un cosmos dynamique dans lequel interagissent plantes, animaux, humains et non-humains. Certains traits qui définissent cette nuit dépassent cependant la partie nocturne du nycthémère pour surgir dans son versant diurne, ce que nous appelons des manifestations de la nocturnité. Le déplacement ontologique caractéristique de la nocturnité autorise à situer dans l’inconscient la crainte permanente de son irruption dans la vie des hommes ; ce terreau sous-jacent est perceptible dans les conversations quotidiennes, les contes répétés, les gestes et les comportements d’évitement qui le révèlent. À partir de données de terrain de deux communautés, Bachajon et Aguacatenango, élargies à d’autres villages situés dans les Altos, nous montrons que la composante obscure de la définition de la nuit tseltal est pensée comme, d’une part, dangereuse et susceptible d’être fatale à l’homme mais, d’autre part, nécessaire. Il est ainsi indispensable de se compromettre à la frange du danger et, à force d’efforts au quotidien, de rituels répétés et de prières, d’obtenir les bienfaits nécessaires à la vie en communiquant avec des êtres issus de cette obscurité.
Le terme de « culture » tel qu’il a été forgé par les sciences sociales a été mobilisé, depuis quelques décennies, dans les politiques et les instruments juridiques des institutions nationales et internationales. Malgré cet usage institutionnel fréquent, la comparaison des Fabri-cas révèle l’emploi peu commun du vocable cultura dans les usages sociaux et linguistiques des sociétés amérindiennes (surtout dans les pays hispanophones). D’autres termes, vernaculaires ou d’emprunt ancien, sont en effet employés pour définir des pratiques collectives distinctives et semblent avoir canalisé l’adoption de cultura vers des contextes d’interactions avec des acteurs extérieurs à la communauté (ONGs, projets de développement, tourisme, fonctionnaires d’État, écoles…). Cet usage distinctif et valorisant du terme apparaît néanmoins primordial au bon développement des projets de patrimonialisation et favorise l’essor d’une indianité interculturelle.
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici