[English version below]
Au croisement de l’anthropologie du sonore, des sound studies, et des recherches sur les ambiances, les travaux actuels de Christine Guillebaud interrogent le sonore ordinaire dans son contexte social de production et de perception. Ses enquêtes de terrain en Inde abordent les ambiances des espaces publics (gare, rue, lieux de culte, parcs…) afin d’en analyser les conditions techniques et sociales d’émergence, les formes et tonalités, l’efficacité propre ou encore les théories locales dont elles font l’objet. L’approche pragmatiste et écologique est privilégiée et une attention particulière est donnée à la restitution sensible de la recherche, par le montage sonore et audiovisuel. Elle travaille également sur les politiques de gestion du bruit et de la pollution sonore en Inde, à partir d’une analyse située des controverses et des programmes de sensibilisation et de médiation. En 2011, Ch. Guillebaud crée le collectif MILSON « Pour une anthropologie des MILieux SONores » (http://milson.fr), plateforme de recherche et de collaboration avec des artistes, acousticiens, et musicologues, et qui co-produit des séries thématiques de montages sonores pour la radio.
Christine Guillebaud a travaillé auparavant sur les processus de création musicale, la multimodalité, les savoirs dansés, la propriété intellectuelle, l’enracinement de projets politiques par la musique, ou encore l’humour sonore. Elle est l’auteur du livre Le chants des serpents. Musiciens itinérants du Kerala (CNRS, 2008), primé par l’Académie Charles Cros, éditrice de l’ouvrage Toward an Anthropology of Ambient Sound (Routledge, 2017) et co-éditrice de Worship Sound Spaces. Architecture, Acoustics, and Anthropology (Routledge, 2020). Elle a également co-édité les numéros de revue La Musique n’a pas d’auteur (Gradhiva, 2010), Notes d’humour (Cahiers d’ethnomusicologie, 2013) et le livre Singing the Past (Pupn, 2023). Elle coordonne enfin le programme POLIMUS « Musiques et politiques mémorielles » du Laboratoire d’excellence « Passés dans le Présent », dédié à l’étude située des narrations du passé et des reconstitutions musicales.
At the crossroads of the anthropology of sound, sound studies, and ambiance research, Christine Guillebaud’s current research investigates ordinary sound in its social context of production and perception. Her fieldwork in India addresses the sound atmospheres of public spaces (the train station, street, places of worship, parks…) in order to analyse the technical and social conditions of emergence, forms and tonalities, efficacy, and the local theories of which they are objects. A pragmatic and ecological approach is privileged and a particular attention is paid to the sensitive restitution of research, via a sound and audio-visual montage. She is also working on noise management politics and noise pollution in India, based on an analysis of controversies and awareness and mediation programs. In 2011, Guillebaud created the MILSON research project “For an Anthropology of Sound Environments”, a research platform in collaboration with artists, acousticians, musicologists, who co-produce thematic series sound montages for radio.
Christine Guillebaud formerly worked on processes of musical creation, multimodalities, danced knowledges, intellectual property, musical integration of political projects, and sound humour. She is the author of the book Singing of the Serpents: Itinerant Musicians of Kerala, praised by the Académie Charles Cros, editor of Toward an Anthropology of Ambient Sound (Routledge, 2017), and co-editor of Worship Sound Spaces. Architecture, Acoustics, and Anthropology (Routledge, 2020). She has also co-edited numerous issues of the review La Musique n’a pas d’Auteur (Gradhiva, 2010), Notes d’humour (Cahiers d’ethnomusocologie, 2013), and the book Singing the Past (Pupn, 2023). Finally, she coordinates the programme POLIMUS “Music and Memory Politics: Emergence, History, Appropriations” of the laboratory “Pasts in the Present”, dedicated to the study of past narratives and musical restitutions.
Membre d’Instances scientifiques et administratives
Experte HCERES : notation d’Unités de recherche (Ades, Credo, Idemec, Irsea, Lapcos (2011)
Membre interne de comité d’évaluation pour des agences de financement et programmes de recherche
Membre élue aux Conseils d’Administration de Sociétés savantes
Membre de Comités de sélection, Concours Maître de conférences à l’Université
Expertise externe pour des Agences de financement et Programmes de recherche
Canada: Social Sciences and Humanities Research Council of Canada / Conseil de recherches en sciences humaines du Canada – SSHRC-CRSH
Belgique : Fund for Scientific Research/Fonds de la Recherche Scientifique – F.R.S.-FNRS
Programme de bourses doctorales et post-doc du Musée du quai Branly
École Française d’Extrême-Orient EFEO
LABEX « Transformation de l’Etat, Politisation des sociétés, Institution du social” TEPSIS
Expertise externe (reviewer) pour des éditeurs et revues scientifiques
Enseignement
Direction de thèses
2017 (en cours) Chloé Lukasiewicz, Les voix de l’exil. Axiologie musicale dans la communauté réfugiée tibétaine de Dharamsala (Inde). Université Paris Nanterre. Thèse effectuée sous contrat doctoral. En codirection avec Anne de Sales
Direction de Master (14)
Encadrement de stages (1)
Enseignements et cycles de formation pour d’autres publics (6)
1. [depuis 2011] MILSON « Pour une anthropologie des milieux sonores ». Projet financé par la Fondation Fyssen. Depuis 2015, subventions de la Région Ile-de-France, Fondation MSH, COMUE Université Paris-Lumières, Labex PATRIMA, IEA, Ministère de la Culture. Site web: http://milson.fr
2. [2014-2018] POLIMUS "Music and memory politics: Emergence, history, appropriations" of the Cluster of Excellence (LABEX) "Pasts in the Present" ANR-Program "Investissements d’avenir" [ANR-11-LABX-0026-01]
Partners : Musée du quai Branly, Instituto de Etnomusicologia (INET, Universidade Nova de Lisboa, Portugal), Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO, Le Caire, Egypt)
3. [2013-2017] (Avec M. Solomos et R. Martinez) Projet « Espace-son. Approche interdisciplinaire des milieux sonores ». Financé par la COMUE Université Paris-Lumières. Partenaire : MUSIDANSE (Univ. Paris 8)
4. [2012-2014] Projet de numérisation et de documentation « A plusieurs voix. Modalités d’exécution et d’appréciation de la danse kaikkottukali (Kerala, Inde) ». Lauréate d’une « Aide à la recherche et au patrimoine en danse » du Centre National de la Danse/CND
1. [2020-2023] Membre du programme MERLIN-Mémoire d'un lieu industriel : matières, traces, imaginaires du Labex Les Passés dans le Présent dirigé par Fabienne Wateau (Lesc, CNRS/Univ Paris-Nanterre) et Elisabete Figuereido (Univ. Aveiro, Portugal)
2. [2016-2018] Membre du programme « Arts, écologies, transitions. Construire une référence commune » du Labex ARTS H2H. Projet dirigé par R. Barbanti, I. Ginot et M. Solomos (Musidanse, Univ. Paris 8)
3. [2014-2017] Membre du Consortium « Musica » labellisé par la TGIR Huma-num. Projet dirigé par Ph. Vendrix (CESR, Tours)
4. [2013-2015] Membre du programme « Musique, Philosophie, et Ecologie du son » du Labex ARTS H2H. Projet dirigé par M. Solomos (Univ. Paris 8)
5. [2011-2014] Membre du Laboratoire canadien MCAM de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique/OICRM (http://oicrm.org). Programme « Étude comparative des critères d’évaluation esthétiques et du jugement de goût » (N. Fernando dir., Univ. de Montréal). Fonds national de recherche canadien
Officiants de rituels domestiques, chanteurs au porte-à-porte, contractuels à la radio d'Etat, intervenants dans les colloques de musicologie indienne... Les musiciens itinérants du Kerala (Inde du Sud) pratiquent leur art selon des codes mouvants, riches, inventifs, sans cesse redéfinis en fonction des commanditaires, des lieux et des circonstances. Les «services musicaux» qu'ils offrent aux familles de haut statut visent à traiter les maux et les infortunes. Du fait même de leur mobilité, ils sont au coeur des réseaux de patronage qui caractérisent la société indienne. Christine Guillebaud a suivi ces artistes «nomades» dont l'expression musicale emprunte aux formes populaires et sacrées, mêlant instruments, images, concepts, danses, voix, divinités. Une enquête passionnante qui permet de comprendre in situ le processus de création du «chant des serpents». Le DVD-Rom d’accompagnement présente de manière thématique une série d’enregistrements sonores, photographies, documents audio-visuels et traduction de chants recueillis au Kerala entre 1999 et 2001.
Chercher à reconstruire les musiques du passé et leur histoire est une préoccupation ancienne. Depuis le XIXe siècle, l’imaginaire orientaliste a considérablement alimenté l’idée de l’existence de musiques «originelles », qu’elles soient « pharaonique », « arabe » ou « hindoue ». Le présent volume s’attache aux manières de dire et de raconter le passé au cours du XXe jusqu’au début du XXIe siècles. En réunissant anthropologues et historiens, il invite à porter une attention particulière, non plus aux seules représentations du passé mais également aux processus concrets de sa mise en récit. Il s’intéresse aux élaborations émanant des disciplines scientifiques, comme la musicologie et l’archéologie musicale, ou encore à celles qui se jouent dans la création artistique, deux domaines qui s’inscrivent également dans des enjeux politiques forts. The attempt to reconstruct the music of the past and its history has been a longstanding concern. Since the 19th century, the orientalist imagination nourished the notion of the existence of "original" music, whether "Pharaonic", "Arab" or "Hindu". This volume more specifically focuses on ways of talking about and recounting the past throughout the 20th and into the early 21st century. Bringing together anthropologists and historians, the aim is to pay particular attention not solely to representations of the past but also to concrete processes of narrative production. The book explores themes from the perspectives of musicology and music archaeology, as well as from those arising from artistic creation, both fi elds being strongly tied to political issues.
Worship Sound Spaces unites specialists from architecture, acoustic engineering and the social sciences to encourage closer analysis of the sound environments within places of worship. Gathering a wide range of case studies set in Europe, Asia, North America, the Middle East and Africa, the book presents investigations into Muslim, Christian and Hindu spaces. These diverse cultural contexts demonstrate the composite nature of designing and experiencing places of worship. Beginning with a historical overview of the three primary indicators in acoustic design of religious buildings, reverberation, intelligibility and clarity, the second part of this edited collection offers a series of field studies devoted to perception, before moving onto recent examples of restoration of the sound ambiances of former religious buildings. Written for academics and students interested in architecture, cultural heritage, acoustics, sensory studies and sound.
This volume approaches the issue of ambient sound through the ethnographic exploration of different cultural contexts including Italy, India, Egypt, France, Ethiopia, Scotland, Spain, Portugal, and Japan. It examines social, religious, and aesthetic conceptions of sound environments, what types of action or agency are attributed to them, and what bodies of knowledge exist concerning them. Contributors shed new light on these sensory environments by focusing not only on their form and internal dynamics, but also on their wider social and cultural environment. PART 1: Listening into Others. PART 2: Sound Displays and Social Effects. PART 3: Sound Identity and Locality. PART 4: Sound Arts and Anthropology. The multimedia documents (57 items) of this volume may be consulted at the address: milson.fr/routledge_media.
Existe-t-il un humour sonore ? Qu’il s’agisse de chansons comiques ou de formes théâtrales, la musique est souvent mêlée à des constructions humoristiques. Mais qu’apporte-t-elle au juste ? Ce volume propose des descriptions ethnographiques de différents cas d’humour sonore. Il aborde des répertoires, des pratiques musicales et des techniques d’une grande diversité géographique et culturelle. L’analyse porte sur les modalités propres au sonore et sur ses interactions avec d’autres registres expressifs comme le geste ou la danse. Quels sont les procédés utilisés dans le comique musical (parodie, caricatures, ironie, absurde, etc.) ? Comment les auditeurs les identifient-ils ? Comment l'humour apparaît-il (ou non) lorsque différentes cultures musicales se rencontrent ? Autant de pistes que ce volume explore afin de comprendre les différents processus impliqués dans le comique musical. L’ensemble des documents audiovisuels analysés dans les articles est disponible sur le site de la Société Française d’Ethnomusicologie à l’adresse www.ethnomusicologie.fr/ce26.
À l’heure où la propriété intellectuelle fait l’objet d’un large débat en France, et à l’échelle de différentes organisations internationales, comment se cristallise-t-elle dans différentes sociétés du monde ? Ce numéro interroge les notions clés liées au copyright et à la création, à partir d’analyses centrées sur la musique. Il rappelle les conditions historiques d’émergence des notions d’œuvre et d’auteur et la difficulté soulevée par leur extension à d'autres cadres culturels. Les études rassemblées dans ce numéro constituent des "ethnographies du copyright", au sens où chacune tente, à sa manière, de suivre au plus près les principes vernaculaires de la propriété des idées musicales. Elles détaillent pour cela des situations de performance, des marchés conclus ou des mésententes, dans leurs spécificités culturelles, mais aussi dans leur confrontation aux principes et pratiques, désormais mondialisés, de la propriété intellectuelle.
L'ethnomusicologue Rosalia Martinez retrace son parcours de vie et livre ses réflexions actuelles sur la discipline. L'entretien s'est déroulé en 2019-2020. Le texte, retranscrit et complété d'une liste de publications, reprend les principaux sujets abordés : I. De la transmission familiale : être à la fois musicienne et militante ; II. Chili 1973. De la clandestinité à l’exil ; III. France. Résister et témoigner par la musique ; IV. Acquérir une culture ethnomusicologique ; V. Retour au Chili. La maîtrise : penser l’espace et le temps rituels ; VI. Les « Musiques du désordre » ; VII. Multisensorialités ; VIII. Un berceau fécond de l’ethnomusicologie : l’université Paris 8 Vincennes-St-Denis.
À partir de l’exemple de la ronde dansée kaikoṭṭukali au Kerala, l’auteure souligne l’extrême tension observable entre voix individuelles et collectives lorsqu’il s’agit de rendre compte des jugements de goût, tension que cherche à retranscrire l’expression « A plusieurs voix » utilisée en titre. L’approche par le portrait de musiciennes permet de faire surgir les prises de position subjectives, les rivalités individuelles ou encore l’organisation quasi concurrentielle des points de vue sur ce qu’il est convenu de « bien réaliser » et de « bien faire ensemble ». A partir d’une enquête effectuée par triangulation auprès de trois chefs de troupe, l’auteur identifie les critères et les valeurs qui coexistent au sein de ce monde chorégraphique hétérogène. Il ressort que les critères du « bien réalisé » ont un faible ancrage dans le registre de l’émotion et de l’attachement. Plus que sur la « beauté » d’une performance ou sur le ressenti des danseuses, les appréciations se focalisent sur les aspects compositionnels (le rapport entre chant et danse, la simplicité, la complexité), la perception globale de la forme (l’intelligibilité des textes, l’harmonie visuelle de la ronde) ou encore l’attitude intérieure et visible de l’extérieur des danseuses (dévotion, sérieux, discipline). Enfin, à la lumière d’une analyse « axiologique » de ces critères, l’étude conclut que c’est principalement la valeur d’authenticité (la sensibilité à l’origine) qui est la clé de voûte commune aux discours des danseuses.
Cet article examine le concept d’intersection à partir d’observations effectuées sur le terrain des pratiques rituelles en Inde. Ce concept permet de décrire différentes modalités de convergence qui unissent ou différencient les pratiques artistiques que sont la musique, les arts visuels ou encore la danse. Dans la perspective d’une anthropologie du sensible, l’auteure analyse différents procédés de composition consistant à associer des formes esthétiques a priori distinctes (ex : une formule rythmique spatialisée autour d’un dessin de sol ; un chant mis en décalage d’un mouvement dansé), ou encore à les dissocier dans certains cadres récents de performance. Cette démarche, fondée sur l’observation de rituels in situ, est à même d’offrir un cadre de comparaison dépassant le terrain indien et ses spécificités culturelles. On envisagera en effet ces intersections comme de véritables médias de l’efficacité rituelle, tout en s’appuyant sur les théories locales dont ils font l’objet. Quelle est la nature de ces expériences combinant des expressions visuelles et sonores ? Comment les décrire et avec quels outils ? À travers l’association (ou la dissociation) des registres expressifs, comment les acteurs attribuent-ils des valeurs spécifiques ?
Qu’il s’agisse de pratiques rituelles institutionnalisées ou de performances ordinaires, les régimes sonores de l’humour sont à observer dans des contextes divers. L’article s’appuie sur des exemples de saynètes observées lors de différents rituels domestiques pāṃpin tuḷḷal (« tremblement des serpents ») au Kerala, en Inde du Sud. Il s’agit de déterminer comment le sonore participe de cette « mise à distance » (Tarabout 1998) de certaines divinités mineures, telles les bhūta, lors de leur manifestation publique. S’appuyant tantôt sur des procédés de bruitage ou encore des dynamiques de tempo, les musiciens sonorisent (plus qu’ils ne musiquent) l’apparition de ces êtres incongrus dans l’espace rituel. Ces réalisations sonores se mêlent aussi pleinement à d’autres expressions qui leur sont indissociables, comme le jeu théâtralisé ou encore la danse. Le passage du registre comique à celui du « sérieux » (présidant par exemple les séances de possession tuḷḷal) est généralement prédéterminé dans la logique globale du rituel, mais l’imprévu est aussi parfois de mise. L’un peut glisser très rapidement vers l’autre, créant des degrés variables d’expression comique, théâtrale ou dansée.
Based on the case-study of the dance-group kaikkottukali, this article examines the different types of knowledges that are made manifest in a performance, for instance collective coordination or dissociation between what is expressed in singing or music and what is shown through dancing. It also focuses on the new media, such as books and video-recordings (VCD) that help make this particular dance better known among the private caste-organisations networks and art-schools festivals supported by the regional State of Kerala. Even if this dance has managed to reach a larger audience today, locally it bears statutory stakes that need constant redefinition. The analysis of the types of knowledges is viewed alongside that of forms of ascendancy (and of local personalities) that hold authority on aesthetic codes used by performers. And it shows a process of crystallisation between the conflicting values of a caste-based society that organises musical knowledge on hierarchical terms and the cultural policy of a Communist government which aims at diffusing egalitarian values to which the different groups of performers try to adjust or to resist.
Il est une procédure de création musicale particulièrement répandue en Inde, l’emprunt de mélodie. Il consiste pour le musicien à s’appuyer sur des airs préexistants, et à les investir d’un nouveau contenu, textuel, stylistique, esthétique, etc. C’est dans l’industrie cinématographique qu’il trouve son plus grand aboutissement. La musique filmi s’inspire des genres les plus divers – du rock au hip-hop en passant par la musique symphonique, les traditions classiques indiennes ou encore les nombreux répertoires régionaux. Comment questionner la notion de « propriété intellectuelle » face à ces pratiques cultivant l’emprunt et la multiplicité des sources ? Quels sont les ressorts de la copie, de la parodie et du remake ? L’exemple de la chanson Nimbuda, en hindi « Citron amer », fournit un cas exemplaire. Attribuée à la fin des années 1990 à différents « auteurs », tour à tour un chanteur de basse caste manganiyar puis un compositeur de musique de film de Bollywood, la chanson en a par là même hérité une carrière des plus singulières. L’article en retrace la chronologie spécifique et analyse comment les questions de droits d’auteur ont surgi. Il montre enfin comment, dans ce marché prolifique où la copie (illégale) des enregistrements est généralisée, les musiciens les plus socialement marginalisés ont bénéficié de nouveaux espaces de diffusion.
L’article retrace la genèse du marché de l’automate à musique en Inde du Sud, de sa conception par un ingénieur de Madras à son utilisation dans le temple hindou, jusqu’à son retrait récent de la plupart des grands centres religieux de la région. Il s’agit de questionner le statut hybride de la musique mécanique par rapport aux autres dispositifs visuels et sonores du temple, comme les cloches manuelles de sanctuaire, les enregistrements sur CD ou encore les boîtes électroniques. L’auteur montre comment l’automate cristallise un débat portant précisément sur ses propriétés intrinsèques, à savoir sa capacité à rendre visible la musique à travers un geste non humain. L’ambivalence de la machine devient ainsi l’objet de controverses et de négociations incluant un ingénieur, des officiants, des divinités, des dévots, des autorités religieuses, des industriels et enfin des ministres d’État.
Les rituels menés par la caste des Pulluvan au Kerala, en Inde du Sud, constituent un cas particulier d’intersection entre le sonore et le visuel. Ces musiciens de basse caste, spécialistes du culte aux divinités serpents, emploient la notion de « forme» (rūpam) pour désigner des procédés de composition à la fois musicaux et graphiques. L’article tente de reconstituer les règles régissant leur répertoire de chants et de dessins de sol (kaḷam) et analyse précisément la façon dont ils manient de manière interdépendante ces deux supports. Cette étude ethnomusicologique, fondée sur le caractère multisensoriel des rites observés, ouvre une réflexion générale sur les différentes modalités de convergence observables entre les expressions sonores et visuelles.
En 1964, Alan P. Merriam définissait l’ethnomusicologie comme l’étude de la musique dans la culture et en tant que culture («music in and as culture»). Or, en Asie du Sud, rares sont les auteurs qui ont pensé l’objet musical en ces termes. Les pages qui suivent font l’état des lieux des travaux les plus importants des quinze dernières années. J’aborderai successivement la musicologie historique, les études portant sur les traditions classiques contemporaines, l’ethnomusicologie naissante des objets «non classiques», les modèles performatifs et enfin les enjeux soulevés par l’étude des musiques dites «populaires» (popular music).
Despite a plethora of publications and periodicals devoted to church bells, a major turn in the history of bells has yet to be truly documented: their automation. In Europe, bell towers were mechanised over fifty years ago, with a correlating decline in bell-ringers. In contrast, this process only began in the early twenty-first century in India. What implications do these two transitions have on contemporary sounding techniques? How does the old knowledge of the bell-ringer articulate with the contemporary knowledge of engineers? To what extent does automation transform the acoustic community to which these sound messages were hitherto destined? To address these questions, I will focus on the Indian company Pulsator, a pioneer in the field that is headed by a local leader in electronics. I will present the history of its activities, and then explore how its founder intends to forge new connections between historical, kinetic, and liturgical knowledge at various steps in his work.
This article offers an introduction to the edited book "Singing the Past. Music and the Politics of Memory (20th-21st centuries)". It focuses on three main theoretical issues entitled : 1. The origins of music through the scientist’s lens. 2. Music as memory. 3. Connecting to the past through musical media
Ce texte est la Préface de l’ouvrage intitulé « De la cacophonie à la musique : la perception du son dans les sociétés antiques » coordonné par un collectif d’historiens. Il reprend les conclusions générales de la Table ronde internationale éponyme qui s'est tenue en 2014 à l'Ecole Française d'Athènes. Le texte articule les problématiques contemporaines de l’anthropologie du sonore avec l’étude historique des textes et des sources antiques portant sur la musique et le son.
Le design sonore se définit comme la création sonore appliquée dans tous les domaines où il s’agit de penser le son, l’imaginer, le fabriquer et l’intégrer à un bien, un service ou tout autre projet : industrie, urbanisme/architecture, multimédia, loisirs, arts… Stimulé par les innovations en sociologie, en marketing, en intelligence artificielle ou en neurosciences, il investit un nombre de domaines économiques et sociétaux de plus en plus important. Comment, à travers la dimension sonore, améliorer la performance, le confort d’utilisation ou l’accessibilité d’un objet industriel ou d’une interface homme-machine ? Comment, grâce au son, faciliter l’usage d’un espace architectural ou urbain complexe ? Comment réfléchir à la place du son et à sa dimension esthétique dans des situations aussi différentes que la scène, l’espace public, les transports, la publicité, l’installation d’art plastique ou l’événementiel ? Tels sont quelques-uns des défis que le designer sonore sera amené à relever. Et autant de sujets abordés dans cet ouvrage qui détaille les différents domaines d’application du design sonore ainsi qu’une méthodologie complète de conception/production en s’appuyant sur des études de cas concrets et de nombreux exemples de sons à écouter.
(...) The present chapter focuses on an Indian bus station, considering it as a relatively autonomous milieu. By milieu, I mean a composite world made up of sounds produced, perceived, and listened to either intentionally or coincidentally. This simple definition, centred on the idea of experienced ‘sound worlds’, is inscribed in a wider anthropological undertaking. Indeed, I consider the bus station as a site for everyday public interactions, which involve different procedures for sound perception as well as singular ways to manage the crowd. I have previously described the sonic organization of the Saktan Tampuran Bus Stand located north of Thrissur, a city of the southern Indian state of Kerala (Guillebaud 2017). This new chapter combines ethnographic observation methods with acoustic analysis (sonograms) to study sound in specific locations. Stations offer high human and sonic density. The ethnography that follows will first present the triangle sound-perception-action, which regulates daily flows. Acoustic analysis will then demonstrate the acoustic signatures of prominent voices based on configuration types that have been observed in situ.
Apart from the use of musical and sound technologies, the devout’s perceptions of ambiance are still a blind spot in analyses of places of worship, despite the fact that temples are reputed to have an ‘atmosphere’. This chapter addresses the devout’s ordinary perception inside a temple. It is based on the experiment "Soundwalks in Shiva Temple", using a well-known qualitative methodology in urban ambiance studies that has rarely been applied to places of worship. It presents the methodology’s principles as applied to places of worship and quotes the accounts collected as a result. The ensuing analysis emphasizes the phenomena of transformation and immersion that the place induces in people passing through it. The author proposes the analytical terms transonorisation, multisensorial presence, and amenity to specify the pragmatic modalities found in places of worship. Published with audio documents online : https://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_E_2018_003_001/
The construction or restoration of the built heritage is currently an interdisciplinary domain that draws on the input of architects, engineers, and historians. Especially where places of worship are concerned, they work toward sound ambiance quality, which depends on the contingencies imposed by the built environment, but which also has to meet specific qualitative prescriptions that may be the result of centuries of architectural and theological theorization (…) 1. From acoustics to sound ecologies. 2. Three challenges
In Indian bus stations, travellers are immediately immersed in a very dense milieu that initially gives the impression of a vast chaos of sound. But looking more deeply, one sees that instead of considering the sound space in a single overarching and coordinated way, it is better understood as different scales of listening that are mainly organized around ticket vendors. This chapter demonstrates how these voices fashion a fragmented arrangement of sound space that is governed not by chance but according to the logic of multiple attraction. A comparison is made with other forms of public voices, such as those of the Keralite lottery where voices are sped up and worked on for their acoustic prominence, or the announcements broadcast in French public transportation. By comparing these utterances, in their own temporality and spatiality, this chapter contributes to ongoing debates on the perception-action pair associated with the category of affordance.
This article offers an introduction to the Anthropology of ambient sound, its concepts and methods. It focuses on three main theoretical issues entitled 1. Provincialising our Sonic Perception. 2. Sound versus Sonic. 3. What is Listening?
Si les cloches d'église ont fait l'objet d'un nombre pléthorique de publications et de périodiques, un tournant majeur de l'histoire campanaire demeure largement non documenté : l'automatisation des sonneries. En Europe, l'électrification des clochers remonte à plus d'un demi-siècle et a eu pour corollaire le déclin de la fonction de sonneur. Comparativement, ce n'est que depuis le début du XXIème siècle qu'un tel processus a vu le jour en Inde. Qu'implique ce double tournant sur les techniques contemporaines d'actionnement ? Comment les anciens savoirs de sonneur s'articulent-ils avec les savoirs actuels des ingénieurs? Dans quelle mesure l'automatisation transforme-t-elle la communauté acoustique à laquelle les messages sonores étaient jusqu'ici destinés? Pour répondre à ces questions, je centrerai mon propos sur le cas de l'entreprise indienne Pulsator, pionnière dans ce domaine et dirigée par un géant local de l'électronique. J'évoquerai l'origine de cette activité et la manière dont son concepteur se propose, à différentes étapes de son travail, de générer de nouvelles articulations entre les savoirs historiques, cinétiques et liturgiques.
[Traduction anglaise : « Music with Local Flavour. The example of a Regional Cinema », in L. Aubert (éd.), Flavours of the Arts. From Mughal India to Bollywood, Geneve : MEG-Infolio : 144-152]
This article will compare two competing nationalist programmes of Keralite artistic practices. The focus will be on the opposing views on how to define the concepts of cultural heritage and national culture, as well as the different strategies used to spread them among the population. We will first present current activities and methods used by the Sangh Parivar in artistic fields to spread its Hindutva ideology to the public at large and especially to the younger generation. Such activities are mainly based on a process of Sankritisation. An analysis will then be made of the areas covered by the Kerala government’s cultural policy and its strong impact on the emergence of a ‘regional’ nationalism. Mediated by local folklorists, this policy has acquired the approval of social equality values and has led to a social reform movement by promoting the arts.
It is nearly impossible to characterize the nuisance associated with neighborhood noise in India. There is no centralized administration to gather noise complaints, and non-profit and civic groups do the little monitoring there is. This study concerns one such program, NISS (National Initiative for Safe Sound) in Kerala (southern India), where one of the authors conducted ethnographic research. One of NISS’s main actions is running a telephone helpline for residents "to report sound abuse in public spaces." It provides the population with its first opportunity to speak out about the disturbing noises they endure, and is an invitation to nurture sonic citizenship via intermediation with noise-makers. Unlike governmental services that gather data in pre-established categories, the helpline foregrounds the fundamentally sociological aspects of sound annoyance. As part of its telephone exchange, the helpline maintains a register recording some personal information, details on the context of the noise, and the indicated sound sources. Ethnographic and statistical analyses are combined to precisely identify the social and geographical origin of callers, categories of sound sources, and the nature of the conflicts that emerge from relations of disturbance. This paper describes local singularities and remarkable differences with comparable, earlier studies based on "official" noise complaints in other countries. We favored an anthropological approach, offering an initial analysis of the profile of people calling in with complaints, and their highly conflictual relationship with the sounds entering the public space from places of worship.
Lien vers les photos : http://www.reseau-asie.com/cgi-bin/prog/pform.cgi?langue=fr&Mcenter=colloque&TypeListe=showdoc&email=&password=&ID_document=547 . (Version filmée publiée sur Dvd-rom : Politiques culturelles et processus identitaires en Asie. Production Réseau-Asie IMASIE/CNRS Images, 2008)
Duuu radio diffuse le quatrième épisode de la série Introspecson consacré au parcours de Christine Guillebaud. Anthropologue et ethnomusicologue, chercheuse au CNRS (CREM-LESC) et chargée d'enseignement à l'Université de Genève, les travaux de Christine Guillebaud se situent au croisement de l'anthropologie du sonore, des sound studies et des recherches sur les ambiances. Pour Introspecson, elle revient sur son parcours de chercheuse et ses activités de terrain, des musiques itinérantes en Inde aux travaux plus récents du collectif MILSON. Ce nouveau volet de l'émission aborde notamment la catégorisation des sons, la variabilité de la forme musicale, la mise en place de projets politiques par la musique ou les modalités d’émergence de cultures sonores. Une émission réalisée par Pierre Henry, prise de son de Elen Huynh
Au moment où l’un se rend au travail à Chennai, comment l’autre commence-t-il sa journée à Dakar ou à Venise ? Quels bruits accompagnent les usagers des transports en commun du monde ? À bord d’un train indien, d'un vaporetto italien et d'un car rapide sénégalais, voyage sonore sur les routes de trois continents.
Quels sont les bruits qui peuplent notre monde sonore ? Des clapotis de la pluie au sifflement de la perceuse, en passant par le concerto d’une voisine harpiste, la nature ou la ville offre une multitude de sons qui habillent notre environnement. Aujourd’hui, on explore nos paysages sonores !
Comment entendre le silence ? Est-ce de l’inaudible, une musique imaginaire, une injonction…?. Du silence apparent des beaux quartiers d’une ville moyenne à celui imposé dans les rues par le pouvoir et jusqu’au silence intérieur, cette série d’Écouter le monde propose et réunit trois évocations de ce beau bruit.
Ce coffret audio est né d’une expérience de travail entre Monica Fantini et les anthropologues du collectif MILSON, un programme dirigé par Christine Guillebaud, chercheure au Centre de recherche en ethnomusicologie du CNRS, qui étudie et raconte la diversité des sociétés du monde à travers ses milieux sonores (milson.fr). Cette collaboration a donné lieu à onze pièces sonores : marchés, places publiques, cafés, lieux de culte, gares… autant de lieux riches en interactions sociales que les anthropologues collectent et observent dans le détail, pour saisir ce que les sons disent de nous et de nos manières d’être ensemble. Dans leur travail, ces chercheurs s’appuient sur les acquis d’autres disciplines (acoustique, architecture et urbanisme, histoire, linguistique, art, informatique), et accordent une place centrale à la dimension sensible des milieux sonores qu’ils explorent sur le terrain. Cette collection fait le pari de transmettre de façon vivante, dans des pièces sonores de 2 minutes et 30 secondes, des fragments d’enquêtes ethnographiques au long cours menées en différents pays du monde à l’époque actuelle, mais aussi dans le passé, grâce aux archives sonores du CNRS/Musée de l’Homme. De l’Asie à l’Europe, en passant par l’Afrique et une brève incursion en Amérique du Sud, ce livret audio ne vise pas une exhaustivité illusoire ; il invite à un voyage sonore inédit, dépassant largement les oppositions traditionnelles Nord-Sud. Il s’adresse à tous ceux curieux de décentrer leur écoute du monde.
Co-Production de la série radiophonique Ecouter le monde avec MILSON, les anthropologues des milieux sonores diffusées chaque samedi dans « Ecouter Paris, Ecouter les villes du monde ». Série de 4 cartes postales sonores de 2’30
Co-production de la série radiphonique diffusées chaque samedi, du 8 octobre au 26 novembre 2016, dans « Ecouter Paris, Ecouter les villes du monde ». Série de 8 cartes postales sonores de 2’30
Invitée de l’émission Carnet de voyage sur France Musique
À la maison, dans les transports, au cœur de l’espace public ou dans nos écouteurs, la musique et les sons nous enveloppent, ils sont partout autour de nous. Qu’ils soient soufflés au creux de notre oreille ou qu’ils se dissipent dans le brouhaha du monde, ils sont omniprésents dans notre quotidien et ce phénomène a été décuplé ces dernières décennies avec la diversification des supports de l’écoute. Mais de quelle façon est-on influencé par notre environnement sonore ?
Pendant les semaines de confinement, chacun·e d’entre nous a pu faire une expérience rare : profiter du silence. Ce retour au calme nous a permis d’être attentif·ve·s à certains sons inattendus comme, en milieu urbain, celui du chant des oiseaux. Mais après cette parenthèse auditive, le brouhaha du monde a vite repris ses droits. Moteurs de deux-roues, cris d’enfants dans l’espace public, fêtes nocturnes, bruits des autres… Sommes-nous devenu·e·s plus intolérant·e·s aux bruits ? La définition d’une nuisance sonore varie-t-elle en fonction du contexte géographique, social, de l’époque ? Du simple agacement jusqu’à la folie, quelles sont les conséquences de l’exposition à des bruits subis sur notre santé physique et mentale ?
Duncan Ward et Anoushka Shankar. Commande de la Philharmonie Luxembourg.
La lettre de l’inSHS du CNRS consacre le dossier de son dernier numéro aux environnements et aux paysages sonores, avec notamment une présentation du programme MILSON.
Limerick, Irlande
80 extraits musicaux, films et animations multimédia
(Espace « Boîtes »)
Conversion réalisée avec J. Jugand, consortium Musica du CNRS, en collaboration avec la Philharmonie de Paris). Phase 1 : 5 animations converties.