[English version below]
Les travaux de Katell Morand portent sur la poésie chantée dans les haut-plateaux du Nord de l’Ethiopie, dans ses relations avec le conflit, la violence et la mémoire.Sa thèse, soutenue en 2013 et intitulée "solitudes habitées : le chant, le souvenir et le conflit chez les Amhara du Goğğam", portait sur une pratique intime et isolée du chant et les rapports que celle-ci entretient, entre pleurs et colère, avec les meurtres et vendettas de village.
Après un post-doctorat consacré à l'apprentissage musical des enfants, ses recherches actuelles portent depuis 2017 sur le rôle des performances et de la circulation de la poésie chantée de langue amharique dans les conflits et la violence politique en Ethiopie du Nord.
Principaux Axes de recherche :
- Anthropologie de l’Éthiopie du Nord : conflits, violence, mémoire
- Anciennes et nouvelles circulations musicales
- Musique et langage dans la poésie chantée : anthropologie linguistique, analyse musicale et comparaison à l'échelle régionale
- Ethnomusicologie cognitive : perspectives théoriques et méthodologiques
Katell Morand's research focuses on sung poetry in the northern highlands of Ethiopia, in its relationship to conflict, violence, and memory.
Her dissertation, defended in 2013 and entitled " inhabited solitudes: song, remembrance and conflict among the Amhara of Goğğam ", focused on the intimate and isolated practice of singing and its relationship, between grief and anger, to village murders and vendettas.
After a post-doctoral fellowship devoted to children's musical learning, her current research since 2017 focuses on the role of performance and circulation of Amharic sung poetry in conflict and political violence in Northern Ethiopia.
Main Research Areas:
- Anthropology of Northern Ethiopia: conflicts, violence, memory
- Old and new musical circulations
- Music and language in sung poetry: linguistic anthropology, musical analysis and regional comparison
- Cognitive ethnomusicology: theoretical and methodological perspectives
Membre du comité de rédaction des Cahiers de littérature orale
2021-2022 : "Un objet dans le conflit : production, manipulations et partages des fichiers musicaux en Afrique de l'Est", avec Giordano Marmone (University of Michigan/LESC-CREM) et Raymok Ketema (University of California - Santa Barbara). Financé par la MSH mondes (24 mois).
Ce projet au croisement de l’ethnomusicologie, de l’anthropologie des techniques et de l’histoire a pour objectif d’interroger la production, la manipulation et le partage de fichiers musicaux dans des contextes de conflit en Afrique de l’Est (Kenya, Ethiopie, Erythrée). Le fichier musical fixe un événement sonore dont il permet de réactiver les traces, interrogeant l’intersection de l’immatériel et du matériel. Dans un contexte où l’usage des nouvelles technologies est en forte expansion, y compris en milieu rural, cet objet peut être produit et manipulé par toute personne possédant un téléphone portable, avant d’être écouté, visionné et partagé par Bluetooth, carte SD ou sur les réseaux sociaux. Des performances rituelles ou des musiques de propagande, éditées ou non, circulent ainsi dans des régions où les conflits interethniques et interétatiques sont au premier plan des préoccupations. Quelles relations se créent-elles avec et autour de ces objets, et quelle efficacité leur est-elle attribuée ? Selon notre hypothèse, la manipulation et le partage de ces fichiers numériques suit des logiques historiquement ancrées et des circuits anciens, engagés par le contact direct, l’écrit, ou les ondes radio. Le dialogue entre enquête de terrain et travail d’archive permettra d’éclairer les relations multiples, d’alliance et d’inimitié, qui se nouent autour du fichier musical, et plus largement l’appropriation locale des technologies de communication.
Ce volume propose d'explorer les situations de conflit et d'agressivité qui émergent des performances musicales et dansées. Sans chercher à postuler des relations de cause à effet entre formes sonores et comportements, les articles qui le composent fournissent une analyse des dynamiques individuelles et collectives, des rapports de force, et de leurs rôles dans la fabrication de systèmes de relations. Cette réflexion met la musique et la danse au cœur de la production de l'agressivité, des tensions, des débordements, tout en envisageant l'incidence de ces derniers sur la transformation des performances et les pratiques de composition. Différents contextes sont ici envisagés, des rituels aux conflits politiques et armés, en passant par les occasions festives, le sport et la vie quotidienne. A partir d'un ancrage ethnomusicologique, ce dossier a pour objectif d’interroger la notion même d’agressivité et de mettre l’accent sur les dispositions et l'intentionnalité des acteurs sans restreindre son périmètre aux seules atteintes physiques caractérisées.
Ce numéro explore les façons dont l’expérience des lieux et la création verbale, en particulier orale et chantée, se nourrissent et se façonnent mutuellement. Tout en entrant en résonance avec les questionnements et les motifs présents dans Waterfalls of songs de Steven Feld, proposé ici pour la première fois en traduction française, le numéro allie une triple transversalité. Transversalité disciplinaire qui associe ethnomusicologues, littéraires et anthropologues ; transversalité formelle, allant de la poésie chantée ou déclamée aux récits de vie, aux conversations, et même aux comptes-rendus écrits d’expériences sonores ; transversalité géographique et linguistique enfin, puisque se côtoient parmi d’autres des voix aborigènes d’Australie, peules du Mâcina, sámi d’Europe septentrionale, ou celles de chasseurs du Jura.
Un chant peut-il pousser à tuer ? Cet article explore les rapports étroits entre musique et homicide dans une ancienne région frontière des haut-plateaux éthiopiens. Émotions faisant perdre la tête, échauffements collectifs, précautions en tous genres : tout dans des récits de protagonistes porte à croire à une efficacité dangereuse du chant. Mais à quoi serait-elle due ? En filigrane de discours paradoxaux et au fil des performances apparaissent des enjeux cruciaux de légitimité dans le cadre de conflits interpersonnels. Mettre en lumière certains des ressorts du passage à l’acte revient à se demander ce qui dans le chant en fait une explication si convaincante au désir de tuer.
Cet article porte sur la pratique dite privée du chant chez les paysans Amhara du Goğğam, en Éthiopie. Il se penche sur ce qu’il se passe dans les interstices de la vie sociale, lorsque fêtes et commémorations sont passées et que les individus se retrouvent seuls avec eux-mêmes : que chantent-ils, pourquoi, et quel est le statut énonciatif de ces performances sans public ? L’analyse des discours et des poèmes chantés est combinée à une ethnographie de la sphère privée pour saisir la place de ces chants dans l’univers musical des Amhara. Dialogues imaginés et sans cesse réinterprétés, ils n’existent, on le comprend, que par référence à un monde social dont la solitude ne peut être l’échappatoire.
Sur les plateaux éthiopiens du Goğğam, les bergers passent une grande partie de leur temps à siffler, chanter ou jouer de la flûte. Ces forêts sont des lieux à la marge de la vie sociale, peuplées de bandits. La musique peut être à la fois considérée comme un outil de contrôle de cet espace sauvage, et comme un risque de se faire entendre des rôdeurs malveillants de la forêt. La musique est donc un acte de bravoure en même temps qu’un intense moment de solitude et de vulnérabilité.
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici