[English version below]
La thèse de Laurence Marty porte sur les mouvements français et européens contre le dérèglement climatique et sur les tensions qui les caractérisent : qu’est-ce que lutter quand l’envergure de la catastrophe, l’urgence, et le sentiment d’impuissance prévalent ? Comment continue-t-on à lutter dans un monde en ruines qu’on ne croit plus pouvoir sauver ? Et comment le fait-on lorsqu’on se sait appartenir aux pays responsables (historiquement et encore aujourd’hui) des bouleversements environnementaux sans précédent qui nous arrivent ?
L’ethnographie au cœur de cette thèse suit des activistes et collectifs dans la préparation des mobilisations qui ont eu lieu autour de la COP21 (Paris, décembre 2015) ainsi que dans la décomposition-recomposition des luttes climatiques qui l’ont suivie. Ces activistes et collectifs ont pour spécificité d’appartenir à l’espace du mouvement écologiste le moins institutionnalisé : leurs engagements dessinent un continuum d’agirs allant de l’agriculture vivrière à l’action directe. Ils relèvent par ailleurs de la partie du mouvement qui a participé à importer et nourrir un certain cadrage de l’enjeu climatique en France à compter de 2015 : celui de la justice climatique. A partir d’une ethnographie qui s’est aussi vécue comme une expérience à la première personne et un partage de vie aux côtés de ces activistes et collectifs, j’ai cherché à rendre sensibles les cheminements et apprentissages qui se déploient au sein des mouvements climat, comme les essoufflements, les doutes, les joies et les puissances qui s’y éprouvent.
Le manuscrit est organisé en deux « volumes » qui correspondent chacun à une grande question adressée aux mouvements contre le dérèglement climatique qui relaie celles que se posent les militant.e.s elleux-mêmes : « quel est le "bon moyen" pour lutter contre le dérèglement du climat ? », et « quel est le "bon sujet politique" du mouvement pour la justice climatique ? ». A rebours de réponses univoques et absolues, je propose de penser ces questions comme des pharmaka au sens d’Isabelle Stengers : en fonction de leur dosage, elles peuvent rendre puissant.e.s comme elles peuvent affaiblir, empoisonner. Chacun des deux volumes est lui-même composé de plusieurs « récits » qui font le travail de décaler ces questions et de montrer leurs effets en situation. Enfin, entre ces « récits » sont intercalés des « ateliers » qui sont la reprise de notes de formations auxquelles j’ai participé dans les mouvements climat depuis 2015.
Thesis entitled: Learning and Fighting at the Edge of the World. Stories of Climate Justice Movements in France and Europe (2014-2017)
This dissertation focuses on the French and European movements against climate change and on the tensions that characterize them: what does it mean to fight when the scale of the disaster, the sense of urgency and the feeling of powerlessness prevail? How does one keep fighting in a world in rubble, which we do not believe we can save anymore? And how do we do so when we know that we belong to the countries responsible (historically and still today) for the unprecedented environmental disruptions that are happening to us?
This ethnography explores the actions of activists and collective groups in the preparation of the mobilizations that took place around the COP21 (Paris, December 2015). It examines the decomposition and re-composition of the struggles against climate change that ensued. The specificity of these activists and collectives is that they belong to the least institutionalized space of the environmental movement: their commitments rested on a continuum of collective actions ranging from food farming to direct action. Moreover, they belong to the part of the movement that has participated in importing and developing the climate justice framing in France since 2015. From this ethnography, which was also lived as a personal experience, whereby I shared moments of life with these activists and collectives, I sought to make tangible the pathways and learnings that unfolded within the climate movements, as well as the breathlessness, doubts, joys and empowerment, which have been experienced in these movements.
The manuscript is organized in two "volumes", each of which corresponds to a major question addressed to the movements against climate disruption and which relays those asked by the activists themselves: “What is the ‘right way’ to fight against climate disruption?” and “What is the ‘right political subject’ of the movement for climate justice?” In contrast to univocal and absolute answers, I propose to think about these questions as pharmaka in the sense of Isabelle Stengers: depending on their dosage, they can empower or weaken, poison. Each of the two volumes is itself composed of several “stories”, which are used to shift these questions and showing their effects in situation. Finally, between these stories I have interspersed “workshops”, which are the summary of notes I took during trainings, in which I participated in the climate movements since 2015.
Key words: social movements, climate justice, ecofeminism, decolonial ecology, political ecology, activist learnings
2019-2020 : Co-organisatrice du séminaire « Ecoféminismes en lutte : lectures et recherches » à l'EHESS avec Isabelle Cambourakis, Julie Gorecki, Emilie Hache, Jade Lindgaard, Geneviève Pruvost et Constance Rimlinger
2018-2019 : ATER en sociologie à l'Université Paris-Est Créteil, au sein du département Administration et Echanges Internationaux - temps plein
2016-2019 : Conception, coordination et animation de l'atelier de doctorant.e.s « Lecture et écriture en humanités environnementales » à l'EHESS avec Dorothea Heinz, Enno Devillers-Peña et Margaux Le Donné
2016-2018 : Monitrice dans le master Pratiques de l'Interdisciplinarité, EHESS-ENS - temps partiel