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Chargé de recherche au CNRS depuis 2014, Vincent Hirtzel consacre ses recherches de terrain aux Yurakaré du piémont andin en Amazonie bolivienne, chez qui il a séjourné à de nombreuses reprises principalement entre 1999 et 2001, puis entre 2007 et 2011, à l’occasion d’un projet de documentation de la langue yurakaré (Projet DoBeS), qu’il a codirigé avec le linguiste Rik van Gijn. Outre ses travaux de terrain, il mène également des recherches en ethnohistoire sur les basses terres boliviennes et les régions avoisinantes.
Ses recherches associent différentes thématiques et questionnements pluridisciplinaires. Il s’intéresse aux relations interethniques et à la conflictualité dans les basses-terres sud-américaines dans une perspective comparative, en articulant l’analyse des formes institutionnalisées de conflits à l’expérience historique des groupes concernés (“chasse aux trophées”, “cannibalisme”).
En prenant appui sur des données recueillies parmi les Yurakaré, il se consacre à l’étude des interactions des participants aux sessions chamaniques tant des basses terres boliviennes que des Andes, en abordant le modus operandi des spécialistes rituels, et les différentes modalités d’incarnation et de désincarnation des voix qu’ils mettent en œuvre.
Il a également participé, avec des collègues linguistes, à des recherches consacrées à la codification des perceptions de la langue yurakaré. Actuellement, il étudie le processus de mise en œuvre des autonomies indigènes en Bolivie à partir de l’expérience yurakaré.
CNRS-affiliated researcher since 2014, Vincent Hirtzel dedicates his field studies to the Yurakaré people of Andean Piedmont in Bolivian Amazonia, where he has stayed during numerous periods mainly between 1999 and 2001, then between 2007 and 2011, for a project documenting the Yurakaré language (Project DoBeS), which he co-led with linguist Rik van Gijn. Besides his fieldwork, he also leads research in ethnohistory on the Bolivian lowlands and the surrounding regions.
His research brings together different themes and multidisciplinary questions. He focuses on interethnic relationships and conflict in the South American lowlands through a comparative perspective, putting an analysis of institutional forms of conflict into conversation with an analysis of the historic experience of the concerned groups (“trophy hunting” , “cannibalism”).
In building on the data gathered among the Yurakaré, Hirtzel studies the interactions of participants in shamanism sessions in both the Bolivian lowlands and the Andes, addressing the modus operandi of ritual specialists, and the different modes of incarnation and disincarnation of the voices that they implement.
He also participated, with linguist colleagues, in research on codifying perceptions of the Yurakaré language. Currently, he is studying the process of implementing indigenous autonomies based on the Yurakaré experience.
2013-2014
2005-2006
2006-2011, Documentation linguistique et anthropologique : Institut Max Planck de Psycholinguistique, Nimègue (Pays-Bas), Fondation DoBeS (Dokumentation Bedrohter Sprachen/Documentation of Endangered Languages), coresponsable et chercheur principal avec R. van Gijn (linguiste) du projet « The documentation of yurakaré »
2013-2016, Anthropologie du patrimoine: ANR (CNRS) « La fabrique des “patrimoines”: mémoires, savoirs et politique en Amérique indienne aujourd’hui (FABRIQ'AM) », coordonné par A. Ariel de Vidas (CERMA-EHESS) et V. Vapnarsky (CNRS, EREA-LESC). Projet consacré à l’étude de la patrimonialisation de l’indigénité des groupes amérindiens comme moyen de reconnaissance et de visibilité dans un paysage social et politique marqué par le multiculturalisme institué en mode de gouvernance
2013-2015, Parenté et informatique: ANR (CNRS) « Kinsources : une plateforme ouverte de stockage et d’analyse de données de parenté à usage scientifique » coordonné par O. Kyburz (CNRS-LESC). Constitution d’une plate forme pour les corpus généalogiques et développement d’outils informatioques visant à comprendre l’interaction entre généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des structures de parenté
2011-2013, Ethnolinguistique : National Science Fundation, « Spatial language and cognition beyond Mesoamerica », coordonné par J. Bonhemeyer (University of Buffalo, EU). Projet visant à tester, sur une base géographique élargie, la corrélation forte existant en Méso-Amérique entre, d’une part, l’usage de terminologies méronymiques (partie/tout) pour la description d’objets et, d’autre part, l’usage de cadres de références spatiaux allocentriques
2009-2012, Parenté et informatique : ANR (CNRS), « Simulations de la parenté/Kinship simulations (SimPa)», coordonné par K. Hamberger (EHESS, LAS) et organisé par l’équipe TIP (Traitement Informatique de la Parenté) projet visant à produire un modèle intégré de l’émergence de circuits matrimoniaux dans les réseaux de parenté, ainsi que travaillant sur des techniques de simulation de ces réseaux
2009-2011, Ethnohistoire : PICS franco-britannique (CNRS), « Les gens du milieu : étude des relations entre Andes et Amazonie sur le piémont andin et leurs transformations contemporaines », coordonné par T. Platt (Univ. de St Andrews, Écosse) et I. Daillant (CNRS, EREA-LESC). Poursuite des activités du projet PAI/PHC de 2006-2007
Depuis plusieurs décennies, les groupes autochtones d’Amérique latine ont non seulement été conduit à se présenter comme les détenteurs d’une « culture », mais aussi à s’appuyer sur cette objectivation de soi pour faire respecter leurs droits collectifs. Si l’on a beaucoup écrit sur l'omniprésence d’un idiome culturel mondialisé, lié à une technocratie transnationale, aux agences d'État et aux ONG, ou encore à l’imposition d’une culture-marchandise, on s’est en revanche assez peu interrogé sur les emplois concrets et situés du terme de « culture » tel que le mobilise les Amérindiens, et en étant attentifs aux circonstances de son usage plutôt qu’aux usages de circonstances. C’est à combler cette lacune qu’entend contribuer ce dossier. Soucieux de comprendre l'interface terminologique entre des mots imposés par les langues nationales tels que « culture », « tradition », « patrimoine » ou « coutume », et les ressources linguistiques vernaculaires mobilisées en acte par les Amérindiens, ce dossier permet de reconsidérer l’appropriation du terme-concept de culture par la pratique. Que ce soit au prisme de problèmes de traduction, en s’intéressant à des processus historiques marqués par la christianisation, ou encore à travers l’examen de subtilités grammaticales, il propose ainsi de nouvelles pistes d’analyse qui démontrent que les groupes autochtones d’Amérique sont loin de parler l’idiome mondialisé de la culture de la même manière.
Le déséquilibre qui s’est instauré dans les rapports entre les humains et leur milieu naturel est sans doute une des préoccuptions majeures de ces dernières décennies, qui ont vu l’essor d’une politique concertée, d’ampleur internationale, cherchant à minimiser les impacts négatifs humaines sur l’environnement au moyen d’outils régulateurs de tous ordres… La multiplication des aires protégées et des parcs naturels peut être tenue pour une des réalisations les plus tangibles de cette volonté générale de gouverner la nature en lui accordant le statut d’un bien à protéger. Dans une perspective anthropologique, il apparaît cependant que les effets de ces instruments institutionnels vont bien au-delà de leur intention première. La question centrale devient : qui entend protéger quoi, comment, et à quel titre ?
Latin American multiculturalist policies have increased the visibility of Amerindian groups through the term "culture," which has become the key for these groups to enter the national and international scene. Although this term is now often used strategically at the interface between indigenous and non-indigenous groups, another comparable term exists more specifically in Hispanic America. This is the term "costumbre," widely used among Amerindian people to designate a set of endorsed practices or those of others. Moreover, some Amerindian groups have incorporated this Spanish word into their own indigenous languages to refer to this type of practice. What then does the relation between these two terms within Amerindian groups indicate? Drawing on the ethnographic examples of two distinct and geographically separate contemporary groups—the Nahuatl-speaking people of La Huasteca in Mexico and the Yuracaré of the Andean foothills in Bolivia—this paper proposes a conceptual archaeology that demonstrates that, far from being interchangeable, these two terms are part of distinct logics stemming from two historical phases of institutional policies designed to integrate Amerindian populations. Their analysis reveals different forms of governance as well as different forms of appropriation of these terms by Indian populations.
Los yurakarés de la Amazonía boliviana influyeron de diversas formas en el proyecto de documentación lingüística DoBeS en el que el autor participó. Por un lado, el material digital recopilado ha sido devuelto en discos duros a varias de sus organizaciones políticas y educativas. Esta restitución global formó parte de un proceso de construcción de una identidad yurakaré "nacional", resultado de las transformaciones estructurales de Bolivia en Estado Plurinacional. Por otra parte, este proyecto de documentación contó con la colaboración de tres locutores que acordaron grabar materiales de carácter autobiográfico. El artículo se enfoca en este subcorpus en relación con los desafíos de la restitución global, tomando en cuenta su contenido, sus destinatarios, así como los problemas de circulación involucrados. Esta comparación saca a la luz una muestra de experimentos reflexivos que serán objeto de un boceto comparativo con otros ejemplos de proyectos DoBeS que tuvieron lugar en Brasil (Alto Xingú).
Cette session se propose d’interroger la terminologie qui alimente, accompagne et se réélabore au cours des processus de patrimonialisation à partir de l’échantillon de sociétés amérindiennes étudiées au sein du projet (les FABRI-cas). Elle aura pour principal objectif de réfléchir à l’interface entre les termes consacrés par les politiques officielles de patrimonialisation et véhiculés à travers les langues nationales de l’Amérique (espagnol et portugais), d’une part, et les langues autochtones, d’autre part. Les termes comme « culture », « tradition », « coutumes », « patrimoine » ont-ils des équivalents locaux ou non ? Comment parle-t-on dans les langues vernaculaires de ces pratiques, chères aux politiques de patrimonialisation ? Comment, aujourd’hui, le métalangage de la patrimonialisation est-il mobilisé dans les pratiques sociales et linguistiques locales et comment caractériser ces appropriations ? À travers ces différentes questions, mais aussi grâce à la comparaison des FABRI-cas, il s’agira de mettre au jour le rôle que conservent des usages, des formules, des concepts forgés en d’autres temps et dans d’autres contextes afin de restituer des enjeux de long terme et d’échelle macro, propres à l’histoire du continent.
La chasse aux têtes réalisée par les Mojos des savanes de l’Orient bolivien avant leur concentration dans les missions jésuites (fin du XVIIe siècle) avait pour particularité, unique sur le continent sud-américain, d’associer la production de crânes-trophées humains à celle de crânes-trophées de jaguars. Cet article se propose de réexaminer les sources jésuites concernant ces pratiques dans leur globalité. Se fondant sur les contrastes et les similitudes que celles-ci présentent avec d’autres cas de chasse aux trophées mieux connus des basses-terres (Amazonie, Chaco), tout en mettant à profit l’ethnographie moderne de groupes voisins (Chimane et Yurakaré), il entend montrer que ce couplage est inséparable d’un complexe chamanique particulier où le jaguar joue un rôle de premier plan. Au sein des Mojos, ce félin a acquis le statut d’un esprit sui generis : il est le seul à présenter un corps publiquement visible.
Les funérailles charognardes. Homicide, cannibalisme et sacrifice humain pour les Yurakaré (Amazonie bolivienne). Dans les sociétés des basses terres d’Amérique du Sud, les rapports entre le guerrier meurtrier et sa victime ont été interprétés principalement comme l’expression d’une logique cannibale d’incorporation du point de vue de l’autre en tant qu’ennemi. À partir de matériaux yurakaré, complétés par des données provenant du piémont andin, l’article expose une autre interprétation à côté de ce modèle maintenant traditionnel. Associé à une palingénésie de la victime en un oiseau charognard et mobilisant la figure de l’autocannibalisme, le traitement yurakaré de l’homicide implique une dimension circulaire qui renvoie, en dernière instance, à la figure historique d’un souverain andin (en particulier l’Inca) qui exécute ses sujets rebelles. L’analyse met en lumière une transformation du cannibalisme amazonien qui constitue une critique piémontaise de ce type de sacrifice humain et entend ainsi contribuer à une théorie générale de la guerre, du cannibalisme et du sacrifice en Amérique du Sud, au-delà de la division académique entre hautes terres et basses terres.
In spite of the well-established idea that language contact is fundamental for explaining language change, this aspect has been remarkably absent in most studies of color term evolution. This paper discusses the changes in the color system of Yurakaré (unclassified, Bolivia) that have occurred during the last 200 years, as a result of intensive contact with Spanish language and culture. Developing the new theoretical concept of ‘updating’, we will show that different contexts have resulted in qualitatively different changes to the color system of the language.
Cet article vise à illustrer les dissonances entre les propos tenus par les pensionnaires d'une maison de séjours temporaires pour personnes âgées d'une part, et ceux tenus par les membres du personnel du même établissement d'autre part, pour rendre compte des difficultés de communication qui grèvent la sociabilité des pensionnaires dans la vie courante de l'établissement.
Cet exposé souhaite poursuivre, sur un domaine spécifique, le dialogue entre l’attention anthropologique au domaine des formes et l’attention historienne au changement qu’à mise en pratique avec succès Nathan Wachtel. J’examinerai ainsi, dans un premier temps, comment le modus operandi des sessions chamaniques pratiquées aussi bien dans les Andes centrales contemporaines que dans certains petits groupes amazoniens proches de la Cordillère (Yurakaré et Chimane) permet d’éclairer certain aspects clés des pratiques religieuses propres aux grands sanctuaires oraculaires préhispaniques andins. Dans un second temps, je souhaite montrer qu’en ce qu’elle permet d’identifier dans les pratiques et les dispositifs rituels des enjeux partagés, cette comparaison est aussi instructive, en terme de changement, puisqu’elle permet de repenser les processus de restructuration et de réajustement continus des pratiques religieuses andines dans leur rapport historique avec le christianisme et dans les tensions induites par l’instauration de l’ordre social colonial.
Proposant une ethnographie des Yuracaré, une population de langue isolée du piémont andin bolivien, cette thèse étudie la dialectique entre le discours mythique à travers lequel cette population rend compte des conditions d'avènement du "nous" qu'elle constitue et les rituels d'accomplissement de soi qu'elle a développés. Elle aborde d'abord l'aspect mythologique de ctte question en analysant le récit du démiurge Tiri, maître imparfait des humains ayant abandonné sans le vouloir ceux qu'il voulait rendre immortels mettant ainsi en évidence combien est importante l'expérience de l'incomplétude et de la déréliction dans la conception de soi yuracaré. La thèse s'intéresse ensuite aux principales pratiques rituelles vers lesquelles les Yuracaré peuvent se tourner afin de s'accomplir comme individus: le duel de flèches, les saignées ou encore les pratiques conduisant à l'accession au rang de chamane. Les différents aspects de l'ethnographie traités dans la thèse concourrent ainsi à cerner les limites de l'économie de la prédation, telle qu'elle est classiquement envisagée pour rendre compte des processus identitaires dans de nombreux contextes amazoniens. subordonnée à la valeur assignée à des rapports de maîtrise définis par le contrôle et la protection, la prédation ne s'articule pas, chez les Yuracaré, à un quelconque dualisme déséquilibré entre affins et consanguins. echappant à la constellation des sociétés à parenté dravidienne, les Yuracaré ont pour figure marquante de l'autre non un beau-frère/ennemi, mais un coaffin à la fois substitut de soi et rival.
De nombreuses communautés autochtones menacées vivent au Brésil et au Canada. Comment font-elles pour préserver et transmettre les langues qu'elles parlent ? Au niveau des États, quelles initiatives sont mises en place pour garder les langues vivantes ? Avec quelle efficacité ?
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici